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Histoire de la mémoire traumatique

créé par La Rédaction du site - Dernière modification le 03/08/2023


Il est possible que l’enfant " difficile " présente plus fréquemment des traumatismes crâniens.

" La désinhibition sociale est le seul facteur spécifique de la blessure cérébrale. Tous les autres problèmes psychiatriques varient beaucoup selon le tempérament et les variables psycho-sociales " (RUTTER, CHADWICK ET SHAFFER, 1983).

De tels facteurs constitutionnels faisant d’un enfant " un enfant difficile " et des infirmités et des incapacités dans l’apprentissage peuvent prédisposer à un traumatisme précoce dans l’enfance.

RANGER, thérapeute pour enfants victimes d’abus, constate que ces enfants handicapés sont particulièrement menacés par la dépression, les troubles du comportement et par l’abus sexuel. De tels abus, il constate (qu’ils) " ... peuvent affecter l’identité sexuelle à long terme, les relations amoureuses d’un adolescent, l’indépendance de sujets d’une vingtaine d’années et le choix d’un partenaire pour se marier ".

Un abus sexuel de la part d’un parent implique une trahison par celui-ci et sa perte, aussi bien que l’abus sexuel lui-même. Cette perte est moins traumatisante que le traumatisme physique lui-même. Même s’il s’agit d’une catastrophe comme un tremblement de terre, des individus examinés à plus ou moins grande fréquence (tous les mois, ou tous les six mois) montraient des symptômes persistant à la mort de leurs proches, mais pas quand ils perdaient des biens matériels.

Il y a des conditions qui sont associées avec un très forte incidence de symptômes de longue durée chez des individus exposés. Par exemple, les prisonniers de la IIème guerre mondiale qui ont connu la faim, l’isolement et ont été victimes de sévices durant leur réclusion, ont montré des symptômes sévères de stress post-traumatique quarante ans après dans 5 % des cas. Les enfants du Cambodge après quatre ans de pertes d’objet, de tortures, d’abus et de négligeance, ont montré des symptômes accentués de stress post-traumatique cinq ans après dans cinquante pour cent des cas (KINZIE, 1990).

Il n’y a pas de statistiques sur l’incidence de la personnalité multiple à propos de ces victimes, mais ils montraient certainement une grande propension à la panique et aux anxiétés diffuses. On a aussi retrouvé que les personnes ayant un score élevé de stress post-traumatique présentaient le plus souvent un score élevé dans la faculté d’être hypnotisées et un score élevé au niveau de l’imagerie, les deux pouvant prédisposer ces sujets à des perturbations d’ordre dissociatif ou alors à des conversions (UHDE, NEMIAH, 1990).

Il est utile à présent de se pencher sur la dialectique traumatisme / dissociation dans une perspective historique. Par exemple, il y a eu ce célèbre héros de tragédie, Oedipe (son nom signifie aux pieds enflés, OId Ip OU ) qui a été appelé ainsi parce que son père lui ait transpercé les pieds avec des liens destinés à l’immobiliser. De cette façon, il avait toutes les chances d’être mangé par des bêtes sauvages.

Le mot traumatisme vient du mot grec qui signifie " blessure " ou " plaie qui s’est violemment produite " (WEBSTER, Nouveau Dictionnaire Universel, deuxième édition). L’autre signification pour ce mot en Psychiatrie est une expérience émotionnelle ou un choc qui a un effet psychique persistant. Depuis les temps anciens, les événements traumatiques ont été considérés comme des contributions malheureuses ou comme les causes de maladies mentales ou comme des changements douloureux dans les différents états d’un sujet.

Un précis de médecine typique, publié en 1871, cite les causes suivantes de la folie : " Elles sont nombreuses ; les principales sont des prédispositions héréditaires, les blessures à la tête, les excès, les rêves de fortune et les ennuis domestiques " (HARTSHORN). Bien sûr, les évènements traumatiques sont particulièrement manifestes en temps de guerre et aussi loin que l’on peut remonter. Déjà dans l’Iliade de Homère on avait remarqué que le stress et l’expérience traumatique d’un combat pouvaient suffire à changer une personnalité. A cette époque là, on attribuait aux Dieux l’action du q UµO (l’âme), localisée approximativement à la place où on localise aujourd’hui le thymus (DODDS, 1957).

Durant la guerre civile américaine, il y avait un physicien qui s’appelait Silas WEIR MITCHELL qui prenait en charge les blessures nerveuses et les maladies neuro-psychiques à Turner’s Lane Hospital, à Philadelphie. A la fin de la guerre il devint un spécialiste en ce qui concerne les maladies nerveuses. MITCHELL était, comme chacun sait, associé avec l’introduction de la " cure de repos " des maladies nerveuses, associées avec les évènements traumatiques des combats durant la guerre civile. Cela fut, ultérieurement, utilisé pour le traitement de l’état hystérique. La " cure de repos " consistait à ce que le patient soit confiné au lit et mis à la diète stricte, puis à prescrire l’isolement et des massages durant une période bien délimitée du repos. Cette technique était pratiquée par mon professeur de Neurologie, Louis POLLACK, jusqu’en 1945 à Northwestern. Ceci eut beaucoup d’influence en Europe et participa à l’introduction d’un traitement appelé " thérapie du sommeil profond ". Cette technique est toujours utilisée en Russie lorsque j’ai visité Léningrad et Moscou récemment. Si cela n’est pas populaire aujourd’hui, il y a encore des indications pour cette technique dans ce pays. Un repos de la sorte, profond et soutenu, a été conçu pour encourager les pouvoirs naturels de guérison et les pouvoirs du patient à intégrer son propre corps.

Pierre JANET (1925) fait référence à l’importance de la mémoire du traumatisme dans la genèse et le développement des maladies émotionnelles et il cite plusieurs auteurs : MOREAU-DE-TOURS, BAILLARGER et BRIQUET comme conduisant aux physiciens français qui insistaient sur l’importance du chagrin et des émotions traumatiques similaires dans la genèse des maladies mentales. Pierre JANET a apporté sa propre contribution à cette façon de voir les choses et a écrit à ce sujet, en 1886 et 1892. Il a ultérieurement trouvé une notion comme quoi il n’y a pas eu d’évènements traumatiques en tant qu’événement isolé, mais qu’il y avait davantage un sorte de mémoire importante, ou signifiante, qui se produisait à partir du conflit et se rapportait aux symptômes de la maladie. Il décrivit un certain nombre de cas dans son livre " L’automatisme psychologique " en 1889. JANET montre que les patients ont fait l’expérience dans leur enfance de certaines impressions qui revenaient en mémoire et quand la mémoire leur était ravivée par quelques évènements, c’est là que les symptômes réapparaissaient et que la personne souffrait de troubles mentaux dus à l’influence de ces remémorations.

Les écrits les plus récents de Sigmund FREUD sur le sujet publiés en 1899 et 1895 reconnaissaient ces études précoces et s’accordaient à dire que ces remémorations pouvaient causer les symptômes de la névrose. Il a développé ce point de vue dans les études sur l’hystérie en collaboration avec BREUER.

Pierre JANET décrivait l’exemple d’une patiente qui, à l’âge de 9 ans, avait dû dormir dans le même lit qu’un enfant dont la moitié gauche du visage était couverte de croûtes d’impétigo. Plus tard, dans sa vie d’adulte, à l’âge de 19 ans (dix ans plus tard, donc) elle présentera une anesthésie du côté gauche du visage, directement en relation avec cette remémoration précoce. En rapportant la remémoration à l’attention de l’enfant (devenu adulte), il fut possible de faire des changements thérapeutiques.