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L'instrumentalisation de l'enfant victime, phénomène de société ?

De la perversion des mœurs et des lois

créé par La Rédaction du site - Dernière modification le 03/08/2023



Colloque REPPEA du 10/04/2015,

De la perversion des mœurs et des lois à l'instrumentalisation
de l'enfant victime, phénomène de société ?

 

Illel Kieser ‘l Baz, psychologue clinicien, anthropologue


À y regarder de près, rien ne semble rapprocher des événements aussi distincts que « Le procès de l'amiante » et « le procès d'Outreau ». Pourtant, à distance, nous retrouvons des acteurs semblables, les victimes, les responsables, les experts, les enquêteurs, les juges et d'invisibles groupes de pression, entremêlés dans une dynamique analogue : les véritables victimes subissent l’escamotage de leur souffrance cependant que les responsables présumés parviennent à inverser l'évidence à leur profit jusqu'au scandaleux déni de leur responsabilité. À ce jeu, la désinformation, amplifiée par les médias aboutit au déni de justice. Et cela se commente, s’argumente jusqu’à rendre normale l’inversion du juste, les victimes devenant des boucs émissaires vite oubliés ou bien les sujets sacrifiés à une cause supérieure. Arbitre, une justice qui semble paralysée, comme incapable d’équité sans le recours d’experts érigés en maîtres du jeu.
 

Dans le domaine des maltraitances sexuelles des enfants, l’instrumentalisation de la victime aura des conséquences terribles sur ses capacités à restaurer son intégrité et son identité. À quelle fin maintenir ainsi la victime sous emprise ? En apparence, entretenir une déviance qui profite exclusivement au responsable, ici le prédateur, avec la caution d'une justice qui semble oublier les fondements du droit. Est-ce bien tout ?

 

Quelques faits divers –1

Commençons par quelques faits divers glanés au fil des lectures de nouvelles quotidiennes.
– Oye-Plage : il écope d’un sursis pour inceste sur son fils de 13 ans - <http://is.gd/u5qG8y> – 23/02/2015.
– Jugé pour le viol de sa petite-cousine, le 16 février 2007, à Saint-Martin-Lalande, un homme de 41 ans a été condamné à cinq ans de prison totalement assortis du sursis.
– Un policier des Sables-d'Olonne, âgé de 51 ans, jugé le 19 janvier 2015 pour «viol» et «agressions sexuelles» sur sa fille, a été condamné par le tribunal correctionnel de Nantes à trois ans de prison, dont un ferme, selon l'hebdomadaire Le Journal des Sables. Les faits remontent au début des années 2000 et la jeune fille avait à l'époque entre 10 et 12 ans.

http://www.20minutes.fr/nantes/1547775-20150224-vendee-policier-sablais-prend-an-ferme-avoir-viole-fille

Notons en passant que certains journalistes ne font pas la distinction entre le tribunal d’assises et le tribunal correctionnel. Un viol est passible des Assises, or de nombreuses affaires de viol avéré sont correctionnalisées sur recommandation du Parquet. Ignorant en cela les conséquences que cela peut avoir sur la victime.

Rappelons également que la peine réelle encourue pour viol est de 15 ans, cette peine est alourdie pour faits sur mineur. Elle est plus légère au correctionnel, souvent assorti de sursis.

– Pas-de-Calais : 3 mois de sursis pour un père qui violait son fils de 13 ans.

– Lors d’un procès pour assassinat et viol le président de la cour d’assises surprend tout le monde en posant des questions qui choqueront l’assistance. La victime, Virginie était plutôt petite, brune aux cheveux courts. Elle se trouvait un peu classique parce qu’elle aimait la peinture et les chats. Elle a été violée et tuée à 26 ans. La possibilité d’une « aguicheuse », du genre dont la société pense « qu’elle l’aurait bien mérité », est réfutée par l’agresseur lui-même. Mais pour le président, le débat ne semble pas clos pour autant, il veut à tout prix savoir comment se comportait Virginie avec les hommes.

Il demande : « Virginie était-elle une fille facile ? »

Il poursuit alors: « On a vu des photos sur lesquelles elle ne portait pas de jupe, mais était-ce toujours le cas ? »

Interpellé par les avocats, le président insiste et justifie ces questions :

« Si je ne pose pas de questions à ce sujet, je suis harcelé par les jurés, ils veulent savoir, cette discussion est très présente pendant le temps du délibéré. » Publié le 25/03/2015, Laure Heinich-Luijer

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/derriere-le-barreau/2015/03/25/le-president-de-la-cour-dassises-virginie-etait-elle-une-fille-facile-234389

Surprenantes au cours d’un procès, ces questions sont néanmoins régulièrement posées par les enquêteurs aux victimes de viol, même à des mineures. Ce président s’appuie sur les éventuelles interrogations des jurés pour justifier ses interventions. Mais faisant cela, il révèle, du même coup, que dans le secret des délibérations on pourrait juger avec plus de clémence un prédateur pour peu que sa victime l’ait « provoqué » par une attitude ou un comportement indécent. Une sorte de légitimité accordée au viol !

Il dévoile également sa passivité face à des suspicions illégitimes, son devoir étant, au contraire d’informer les jurés sur l’état du droit en la matière. Cette passivité a un sens qui dépasse ce juge.

– En décembre 2015 un jugement rendu par la Cour d’Assises du Loir-et-Cher a soulevé des remous. Le 10 septembre 2012, Jacqueline Sauvage, 66 ans, a tué son mari de trois coups de fusils dans le dos, à leur domicile près de Montargis, dans le Loiret. L'homme lui faisait vivre l'enfer depuis 47 ans : coups, abus sexuels, sur elle mais aussi sur les filles du couple – des faits jamais dénoncés jusqu'au procès. La veille du meurtre, le fils, battu par son père, s'était suicidé par pendaison.

En première instance, la mère de famille avait été condamnée le 28 octobre 2014 par la Cour d'Assises du Loiret à dix ans de réclusion pour le meurtre de son mari. Une peine confirmée en appel le 3 décembre 2015 par la cour d'assises de Loir-et-Cher.
A contrario cela rappelle le jugement rendu contre Bertrand Cantat qui avait sauvagement battu à mort Marie Trintignant en 2003. Il avait été condamné à 8 ans d’emprisonnement.

 

N’oublions pas enfin les scandaleux dysfonctionnements dont nous sommes témoins chaque jour lors de signalements de maltraitances sur enfant, durant le processus d’instruction voire des vices de procédures durant les procès...