Le patriarcat bouge encore

Une semaine après le 8 Mars, les articles autour de la situation des femmes et de leurs droits aux États-Unis continuent d’être publiés et dévoilent “  le secret le mieux gardé d’Amérique  “. Au sein d’un pays qui se présente comme le gardien de la démocratie à l’échelle mondiale et qui abrite le quartier général de l’ONU, ce n’est pas moins de 43 des 50 États américains qui permettent le mariage de mineur. Des associations et mouvements rapportent qu’entre 2000 et 2018, 300 000 mariages de mineurs ont eu lieu dans tout le pays, dont 24 000 seulement en Californie.


Cela étonne quand on sait que légalement, l’âge minimum du mariage est de 18 ans. Mais chaque État admet des exceptions, ainsi le consentement parental permet le mariage des jeunes de 16 à 17 ans. Il suffit d'en faire la demande. Le consentement de l’enfant est bafoué, le greffier n’a pas à s’en préoccuper. Dans certains États, il est possible de faire baisser l’âge du mariage en dessous de 16 ans par décision judiciaire. Mais lorsque l’on vérifie, des dizaines d’État, tels le Michigan ou le Mississipi, ne précisent même pas l’âge minimum où des juges peuvent autoriser le mariage d’un élève de primaire. Il suffit du consentement d’un parent et l’approbation d’un juge pour que des enfants d’à peine 10 ans puissent être mariés à un adulte.


Par ailleurs, ces unions concernent surtout les filles. Dans 9 cas sur 10, les mariages de mineurs avec des adultes concernent, des unions de jeunes filles à des hommes plus âgés. Et dans le cadre légal qu’offre le mariage, cela permet de décriminaliser des actes sexuels impliquant des enfants comme le rapporte l’Université McGill à Montréal. Fraidy Reiss, fondatrice de l’ONG “  Unchained at Last  “ déclare qu’en moins de 20 ans, l’organisation a pu démontrer que 60 000 mariages ont été célébrés entre des personnes avec une telle différence d’âge qu’il s’agirait d’un crime sexuel si elles n’étaient pas mariées. Ainsi, dans le cadre légal, un adulte peut avoir des relations sexuelles avec une enfant tant qu’il s’agit de son épouse. En conclusion, coucher avec un mineur est considéré comme un viol aux États-Unis… mais le mariage rend cet acte légal.


Le mariage d’enfant est le résultat de plusieurs situations, il peut être une façon pour les parents de se débarrasser d’une bouche à nourrir, ou de lutter contre la pauvreté en jouant la carte de la dot. Il est aussi le moyen de contrôler la sexualité de la fille, d’obtenir un visa grâce au mari ou de se conformer à des traditions religieuses. Mais dans la majorité des cas, marier son enfant est un moyen de sauver l’honneur de la famille face à un viol et l’exemple le plus marquant est celui de Sherry Johnson, une enfant de 11 ans obligée de se marier avec son propre violeur âgé de 20 ans et membre de son église, dont elle tombe enceinte. L’agent du gouvernement refuse de valider l’union mais il suffira d’aller dans le comté voisin, pour que l’officier de justice, moins regardant, marie la petite fille à son agresseur. Dans les États où l’avortement est interdit, la démarche permet aux parents “ d’échapper à la honte “.


Voyage au bout de l'absurde

Plus de huit mois après avoir prononcé l’abrogation du droit fédéral à l’avortement mettant fin à 49 ans de droit à l’avortement sur tout le territoire des États-Unis et laissant chaque état décisionnaire en matière d’interruption volontaire de grossesse, ce n’est pas moins de 14 États qui décident déjà d’appliquer leurs propres lois et 8 autres qui ont adopté une loi dans ce but, malgré le fait que les tribunaux bloquent leur entrée en vigueur. Alors que la France réfléchit à faire inscrire le droit à l’avortement dans la constitution, un représentant républicain de Caroline du Sud, Rob Harris, a déposé une proposition de loi visant à rendre les mères responsables d’un crime, et donc passible de la peine de mort. Bien sûr, le texte de loi n’est pas aussi explicite, Harris prévoit l’amendement de la constitution de l’État pour faire reconnaître une personne à partir de la fertilisation, ce qui reviendrait à considérer un embryon comme une personne à part entière. Ca ne s’arrête pas là, la proposition de loi prévoit également qu’un fœtus victime “ d’agression “ ou “ d’homicide “ bénéficie, comme toute personne, à une protection égale face aux lois de l’Etat. Or, en Caroline du Sud, porter atteinte à la vie d’un individu est passible de la peine de mort. Ainsi, l’avortement sera donc puni comme un crime majeur et les auteurs de l’avortement risqueraient la peine de mort. Certains États, eux, renforcent l’accès à l’interruption volontaire de grossesse tel que Rhode Island, où la loi sanctuarise le droit à l’avortement et dont le gouverneur a émis un décret exécutif pour protéger les femmes souhaitant se rendre à Rhode Island afin d’avorter en cas d’interdiction dans leur État d’origine.


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