Ce que sont les émotions
Les émotions sont les serviteurs zélés du principe de valeur, le produit le plus intelligent à ce jour de la valeur biologique. La valeur biologique, par excellence consiste à survivre en parfaite compatibilité avec la procréation. Et le meilleur outil au service de cette valeur biologique, c’est l’homéostasie. A. Damasio. Notons que le mécanisme qui entretien en permanence l’homéostasie recouvre complètement ce que Jung nomme Fonctions transcendante.
Les émotions sont des programmes d’actions, quasi automatisés, les sentiments sont les perceptions de ce qui se passe dans notre organisme. Ils résultent de cartes que ce dernier crée à la rencontre d’objets.
Si on résume ainsi les conceptions d’A. Damasio, il nous faut ajouter que la question de la finalité de ce programme ne trouve toujours pas de réponse. La question des origines et de la finalité de la conscience humaine demeure sans explication scientifique.
Les émotions sont essentielles pour les êtres humains : elles sont indispensables à la survie et font partie intégrante de notre constitution. Elles donnent des signaux perceptibles dans le corps qu’un besoin est satisfait ou non.
Chaque pensée, comportement, intérêt, désir ou croyance, est motivée par une émotion, qui émerge elle-même d’un besoin.
Les émotions naissent des stimulations externes (interactions avec d’autres personnes, influences de l’environnement : contact, bruit, odeur, goût, température, lumière, couleur, formes, énergies, etc.) ou internes (faim, inconfort, maladie, douleur, etc.).
Elles sont aussi déclenchées par les remugles intérieurs de l’organisme, les troubles viscéraux, des douleurs, des désirs – faim, soif, etc. Elles influencent nos humeurs ou états d’âme.
Elles sont déclenchées par des images d’objet ou des événements remémorés et elles circulent dans le corps sous forme d’ondes électriques. Ces ondes sont reçues par le cerveau, dans des zones spécifiques qui les traitent et déclenchent une action appropriée. Certaines zones sont capables de créer des réactions émotionnelles en chaîne, tel est le cas de l’amygdale. Le but de ces actions est de rétablir l’équilibre vital un moment perturbé par l’apparition de l’objet.
Les émotions sont stockées, traitées et gérées dans le système limbique, qui est un ensemble de structures cérébrales (en forme de cornes de bélier) situées au centre du cerveau, sous le néocortex. Le système limbique est constitué du thalamus, de l’hippocampe, de l’amygdale, de la formation réticulée, du fornix, du septum, de l’hypothalamus et de l’hypophyse. Ces structures sont liées les unes aux autres et s’influencent mutuellement.
Le système limbique a la capacité de condenser l’énergie du signal jusqu’à un certain seuil, au-delà duquel d’autre types d’actions sont mis en place.
Ainsi, le système limbique peut stocker la charge électrique des signaux, et ce processus inconscient a une influence sur la formation d’images qui accèderont à la conscience sous forme de pensées, de comportements, de souvenirs, d’une expressions verbale, etc. Il peut aussi décharger l’excédent dans le corps ce qui se traduit par l’apparition de symptômes.
Quand l’ensemble des signaux traités se transforme en images accessibles à la conscience, le néocortex prend le relais du système limbique.
Que se passe-t-il dans le système limbique lorsqu’une émotion est ressentie ?

Le thalamus a pour fonction de recevoir le message (input) envoyé par les centres de traitement des sensations et de le transmettre au cortex préfrontal, où il sera associé à un contexte et prendra un sens (émotion ou besoin). Pour pouvoir accéder au cortex cérébral le message doit d’abord être traduit par le thalamus.
Il existe un noyau thalamique qui est chargé spécifiquement de percevoir et de transmettre la douleur.
Le message est traité par l’hippocampe, qui est impliqué dans le stockage et la remémoration des souvenirs explicites. L’hippocampe participe à la mémorisation des données nouvelles ou stimuler la création d’une émotion par lien avec un souvenir.
De plusieurs zones du système limbique, différents traitements du message vont converger jusqu’à l'amygdale, qui va faire émerger le processus émotionnel le plus adéquat, en fonction du degré d’urgence de la situation. L'amygdale permet l'une des formes de nos mémoires implicites : la mémoire émotionnelle reliée à la peur.
L’hypothalamus et l’hypophyse sont chargés d’envoyer l’énergie contenue dans l’émotion dans le corps. Cela se traduit par des modifications dans les sécrétions hormonales et les signes vitaux.
Lorsqu’il n’y a pas assez d’émotions (par manque de stimulations), ou bien lorsqu’il y en a trop (par excès de stimulation ou par une intensité trop forte de la stimulation), notre faculté à raisonner clairement et à utiliser notre cerveau de manière optimale, s’altère.
La boucle perception-action
La cognition, la conscience, bref le monde intérieur d’un individu émerge de ses actions dans un contexte donné, c'est un monde "énacté" (F. Varela). Le mouvement vient constamment enrichir la cognition (voir la citation dans l’encadré à gauche) parce que notre cerveau s'est construit de cette façon tout au long de la phylogenèse. Et l'ontogenèse se construit sur ces bases.
À l'instant T quand un Objet X est perçu par les capteurs sensoriels, l'image que l'organisme avait de l'environnement à l'instant T-1 se modifie. Les représentations de l'Objet X permettent au système limbique de réagir et d'initier une Rétro-Action la plus pertinente possible afin de préserver l'unité de l'organisme. (Principe d'homéostasie)
Cette rétro-action de l'organisme tend à modifier l'Objet X.

Processus en boucle fermée. Le programme d’action n’est pas pertinent
- Le rôle de l'hippocampe
L’hippocampe permet de traiter et de récupérer deux types de mémoire, la mémoire épisodique et la mémoire spatiale.
La mémoire épisodique est liée aux faits et aux événements, leur histoire et leur inscription dans le temps.
La mémoire spatiale implique des chemins ou des itinéraires. Dans les rêves, cette mémoire spatiale est représentée par des chemins ou des parcours labyrinthiques qui suggèrent au rêveur, à la rêveuse une forme de d'oubli des repères acquis durant l'évolution personnelle. L’hippocampe est égalementchargé de transformer les souvenirs à court terme en souvenirs à long terme, d'où sont implication dans les apprentissages et la mémorisation des procédures d'actions et de repérages spatiaux. Ces derniers sont ensuite stockés ailleurs dans le cerveau. Les développements récents de la recherche ont montré que les neurones continuent de se développer – neurogenèse – tout au long de l’âge adulte. .
Les dommages à l’hippocampe provoquent une amnésie antérograde – troubles psychotraumatiques – et tout aussi souvent une amnésie rétrograde. La mémoire implicite est épargnée suite à des dommages à l’hippocampe. (La mémoire implicite ou les connaissances implicites, est une forme de mémoire où l'on ne retient pas l'expérience qui en est à l'origine. Le rappel se fait automatiquement, sans les efforts nécessaires à la mémoire explicite.
- Le rôle de l'amygdale
Elle fait partie du système limbique et est impliquée dans la reconnaissance et l'évaluation de la valence émotionnelle des stimuli sensoriels, dans l'apprentissage associatif et dans les réponses comportementales et végétatives associées en particulier dans la peur et l'anxiété. L'amygdale fonctionnerait comme un système d'alerte et serait également impliquée dans la détection du plaisir.
L'amygdale est essentielle à notre capacité de ressentir et de percevoir chez les autres certaines émotions. C'est le cas de la peur et de toutes les modifications corporelles qu'elle entraîne. C'est aussi valable pour toute autre forme d'impact émotionnel. Si, à la suite de la mauvaise surprise consécutive au risque encouru sur un passage piéton alors qu'une voiture fonçait sur vous, vous sentez votre cœur palpiter, les mains moites, la respiration haletante, votre amygdale a été activée. Il se produit le même ensemble de réactions phsyiologiques quand vous êtes assailli.e par le souvenir en flashback d'un événement traumatique.
L'amygdale est à l'origine de nos réactions à des événements importants pour notre survie, ou qui semblent l'être dans un instant donné. Des événements qui nous avertissent d'un danger imminent qui sont donc des stimuli importants pour l'amygdale. L'amygdale gère également les influx sensitifs qui signalent la présence de nourriture, de partenaires sexuels, de rivaux, d'enfants en détresse. En fait parcequ'il participent de notre unité et de la permanence de cette dernière. (Toujous ce principe d'homéostasie qui est à la base des sytèmes vivants)
L'amygdale reçoit aussi de nombreuses connexions de l'hippocampe. Celui-ci étant impliqué dans le stockage et la remémoration de souvenirs explicites, ses connections à l'amygdale peuvent être à l'origine d'une émotion déclenchée par un souvenir particulier.
L'hippocampe est aussi spécialisé dans le traitement non pas d'un seul stimulus mais d'une collection de stimuli qui siutent le contexte d'une situation. C'est pourquoi, liens étroits entre l'amygdale et l'hippocampe, que le contexte d'un événement traumatisant deveient source d'anxiété.
En cas de surcharge de signaux – situation de détresse – (l’intensité de la stimulation est très forte ou s’étale dans la durée), le thalamus est débordé, et ne parvient plus à les traduire et les transmettre. Le thalamus bloque la transmission vers le cortex, empêchant l’émotion de devenir consciente. C’est ce qui se passe quand nous éprouvons ce seul sentiment : « je ne sens rien » ou que « je me sens coupé de mes émotions ». Pourtant, la charge énergétique de l’émotion est toujours présente et sera traitée de manière implicite/inconsciente afin de soulager la tension, toujours dans un but de rétablissement de l’équilibre des fonctions vitales.
C'est ce qui arrive aussi quand l'on est débordé par une tornade émotionnelle et que l'on se laisse emporté.e par une action qui s'avèrera désastreuse, non pertinente. Il importe alors de revenir à la situation – par la méditation, des outils cognitivo-comportementaux... – pour prendre une distance en regard du facteur déclencheur, l'Objet X, en tentant de contourner ces biais comportementaux ou réactionnels pour inventer une forme de contre-réaction plus souple qui peut alors se révéler plus pertinente que la première. Le recours à la conscience, dans ce cas, est nécessaire. Ele redevient un outil d'évaluation mesurée, ce qu'elle est sensée être en permanence.
Lors d'une action traumatique, les systèmes de mémoire implicite de l'amygdale et explicite de l'hippocampe emmagasinent différents aspects de l'événement. Plus tard, l'hippocampe permettra de renvoyer les éléments du contexte : lieu, lumière, odeurs, personnages, facteurs traumatiques, etc. L'activation de l'amygdale déclenchera alors des signes physiologiques : raidissement des muscles, augmentation du rythme cardiaque, respiration thoracique, transpiration, mains moites, etc.
Le même processus se répète lors des flasbacks ou quand la conscience est envahie par des réminiscences d'événements traumatiques anciens. D'où l'importance, pour alléger la charge de souffrances qui altèrent la conscience, de créer des « espaces » de substitution qui amènent à la conscience des souvenirs chargés d'émotions agréables. Il ne s'agit pas là d'une sorte de positivation à tout crin mais de créer un conditionnement positif dont l'organisme se servira dans des cisconstances similaires.
De l’expérience sensible à la conscience de l’émotion
Avant qu’une émotion n’apparaisse, l’organisme produit des proto-émotions qui sont des réactions aux multiples facteurs sensoriels que suscitent des objets/événements extérieurs. L’émotion, c’est-à-dire l’expérience consciente que nous avons des ces proto-émotions dépend du contexte historique, culturel et familial. La capacité que nous avons de dire « je ressens, telle ou telle émotion. » dépend en fait du système de croyances qui s’est forgé durant les différentes étapes de la vie.
Notre système de croyance se met en place très tôt, parfois même avant la naissance. Il n’a pas encore la forme de pensées claires du genre « personne ne m’aime » mais correspond plutôt à un « chemin » qui se trace parmi les neurones en train de se connecter entre eux au cours du développement de l’enfant. À force d’être emprunté par l’influx nerveux, le chemin devient « empreinte » ou « sillon » et, suivant l’environnement dans lequel nous grandissons et les informations qu’il nous fournit, nous lui donnerons un sens. Ainsi un bébé, avec des parents idéalement capables d’empathie, recevra :
- Un accueil et une reconnaissance favorable de ses « proto-émotions ;
- Une réponse adéquate à ses besoins ;
- Des ressources pour associer, reconnaître et exprimer ses émotions ;
- La sécurité de base, la confiance et les mots pour nommer ce qu’il éprouve.
A partir de là, il développera :
- Sa résistance à la frustration (c'est-à-dire sa capacité à gérer, au niveau cérébral, une quantité plus importante de sensations désagréables ou fortes) ;
- Sa capacité à canaliser et à contenir des sensations plus intenses, ou plus nombreuses ;
- Une plus grande plasticité d’attitude ou de comportements, qui lui permet d’ajuster la réalité à ses besoins.
Cependant, peu d’adultes aujourd’hui ont eu la chance d’avoir des parents idéalement empathiques lorsqu’ils étaient bébés et dans ce cas, « l’ajustement créateur » qui permet de « boucler la Gestalt » – l'ensmble des comportements, attitudes et représentation du monde qui assure l'autonomie et l'unité de la personnes – et de retrouver un état d’équilibre ressemble plutôt à une « clôture cognitive », c'est-à-dire une boucle fermée qui protège de l’intensité des émotions (c’est sa première fonction) mais qui, plus tard, par enkystage, s’avèrera inutile voire inhibitrice de la capacité d’invention. Elle finira par enfermer le sujet dans un temps et sur un territoire immobiles.
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