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Le devoir parental

créé par Manon Kaddour-Lantheaume - Dernière modification le 17/05/2024


Déclaration d'Emmanuel Macron sur le devoir de visite du père :

Lors d’une interview par Elle, diffusée sur leurs réseaux sociaux ce mardi 7 mai 2024, Emmanuel Macron s’exprime sur la co-parentalité de parents séparés ou divorcés. Il souligne fermement qu’être parent est un devoir. Il ajoute aussi qu’il est préférable d’avoir un père qu’il soit obligé d’être présent pour son enfant au lieu d’un parent absent. Il veut donc instaurer un devoir de visite. Le père devra remplir ce devoir de visite jusqu’à l’âge adulte de l’enfant pour son bon développement affectif, sous peine de 15 000 d’euros d’amende et d'un an de prison.

« Un enfant heureux, c’est avec un papa et une maman ».

Suite à cette « ouverture de débat » de la part de notre Président, une proposition de loi a été déposée dans ce sens par des députés Les Républicains. Cette proposition nous paraît dangereuse.


Obliger un père, qui ne veut pas voir son enfant, à le voir, est violent pour l‘enfant. Lorsque l’un des parents est défaillant, le maintien du contact peut être néfaste pour l’enfant.


On ne peut pas ignorer les violences systémiques :

  • 4 millions d’enfants exposés aux violences conjugales.
  • 1 meurtre sur 5 en France concerne les violences au sein du couple.

(Observatoire régional des Violences faites aux femmes 2021)

60% des mères qui dirigent une famille monoparentale ont été victimes de violence conjugale, et parmi elles au moins 68% sont victimes de contrôle coercitif.
(Summers 2022 cité dans le livre d'Andrea Gruev-Vintila « Le contrôle coercitif : au cœur de la violence conjugale » 2023).


La Convention d’Istanbul prévoit la suspension du contact avec un père violent.


De plus, la proposition de loi supprime dans le Code civil la possibilité pour le juge de refuser l'exercice du droit de visite et d'hébergement pour des motifs graves, par exemple la violence. Une aberration.


Cette proposition ignore les mécanismes de psychotraumatismes des enfants, inévitablement réactivés si le contact avec l’agresseur est réactivé.


Et elle ignore le continuum des violences post séparations. En cas de séparation pour violences, l’enfant peut devenir un instrument de vengeance du parent violent à l’encontre de l’autre parent.


Cela fait partie de la stratégie de l’agresseur : le contrôle coercitif. Cette notion commence à être reconnue dans la jurisprudence française et ne peut plus être ignorée.


La priorité est de protéger les enfants. Pour cela, il faut accepter que le contact avec le parent violent soit coupé, afin de ne pas réactiver les psychotraumatismes.


Remettons l’enfant au cœur du débat.


Texte tiré d’un post de Hélène Romano :


Un enfant n'est pas un bien de consommation, ni un trophée et il est impressionnant que dans les le pays des droits de l'homme, les droits de l'enfant continuent d’être aussi peu respectés. Le Président de la République vient ainsi de faire une annonce concernant les droits de visite avec une prescription faite aux parents d'assurer leurs obligations parentales. Et le rappel des sanctions prévues en cas de manquement à ces « devoirs » n’est pas sans interroger sur cette dynamique punitive désormais à l’œuvre à l’égard des parents.

Mais où sont les droits de l'enfant ?

Le Président s’interroge-t-il sur les contextes qui font que des parents n’assurent plus leurs obligations parentales ? Le Président a-t-il seulement notion que dans bien des cas, l’origine de la rupture de liens est liée à des maltraitances ?
Dans les contextes de maltraitance combien d'enfants voient leur vie totalement bouleversée par des obligations de visites médiatisées inévitablement associées à des rendez-vous auprès des éducateurs, des séances auprès de psychothérapeutes, orthophonistes, psychiatres, pédopsychiatres, assistants-sociaux, experts, sans oublier les magistrats ? Ces enfants n'ont plus de vie d'enfant. Ce système ne les protège en rien mais il les objectifie et continue de les exposer aux règles fixées par des adultes dans l'intérêt exclusif des adultes.

Un parent qui a un droit de visite médiatisé n’a aucune contrainte de son côté d’avoir un suivi psychothérapeutique, aucune obligation de réfléchir sur ce qui a conduit un magistrat à ordonner une telle mesure. Il vient s'il le veut ; cependant si l'enfant, lui, ne veut pas venir, le parent gardien est systématiquement poursuivi pour non-présentation d'enfant.

Être parent est relativement facile biologiquement.

Mais psychologiquement cela est tout autre chose. « L’instinct » parental n’existe pas. DEVENIR parent ne se décrète pas et ne peut pas s'imposer. NAITRE parent est l'aventure de toute une vie et certains adultes, pour des raisons multiples, ne veulent pas et/ou ne peuvent pas investir leur enfant. Il est alors bien plus raisonnable pour chacun de respecter cette situation et de permettre à l'enfant de se construire avec d'autres référents parentaux et d'autres tuteurs de développement.

Le forçage à la parentalité est une maltraitance psychologique faite à un enfant, qui a besoin pour grandir de se sentir protégé, sécurisé, valorisé et d'avoir des adultes disponibles psychiquement pour lui au quotidien.
Les injonctions faites aux parents, avec cette représentation d'une parentalité mythifiée relève d’une politique idéologique qui ne peut qu'inquiéter lorsque l'on sait dans quel état sont les services chargés de la protection de l'enfance dans notre pays.

Il faut en finir avec ce paradigme qui consiste à utiliser l'enfant pour réparer le parent et à utiliser l'enfance pour réparer la parentalité.

Édouard Durand répond à l’annonce d’Emmanuel Macron sur le « devoir de visite des pères » :
 

La place des pères dans la famille n'a jamais été fragile, instable, mise en question. Elle a toujours été sacralisée. Ce qui est nouveau dans l’histoire des êtres humains, c'est que la mère est devenue en 1970 sujet légitime de droit de l'éducation et de la protection de ses enfants.


Il y a quatre situations familiales à prendre en compte, sinon on ne peut rien penser : l'entente, l'absence, le conflit et la violence. Si vous faites venir en thérapie familiale, en audience ou en médiation un père ou un mari violent, vous cassez la réparation d’un enfant et de toutes les victimes dans la famille. Il faut distinguer les situations.


Le concepteur de l’autorité parentale, un grand juriste, Jean Carbonnier, disait : « la coparentalité c’est la nostalgie de l’indissolubilité ». Cette histoire de couple parental au-delà du couple conjugal, est très éloigné de la réalité des familles et des besoins des enfants. Derrière tout ce champ lexical, il y a la nostalgie de la puissance paternelle.
Des adultes exercent leur parentalité de manière extrêmement dangereuse. La plupart des jeunes extrêmement violents sont des victimes de violences conjugales, de violences physiques.


Qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ? C’est une réalité objective, immuable qui est la prise en compte de ses besoins fondamentaux, à commencer par son besoin de sécurité, c’est-à-dire qui répond de manière cohérente, fiable et continue aux besoins de l’enfant quand il a peur. La figure d’attachement principale.

UN ENFANT DOIT GRANDIR EN SECURITE.

Source : 

Emmanuel Macron propose de créer un « devoir de visite » des pères dans les familles monoparentales (lemonde.fr)
"La place des pères dans la famille a toujours été sacralisée" (radiofrance.fr)