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Derrière le Rideau

créé par Manon Kaddour-Lantheaume - Dernière modification le 17/05/2024


Mélodie Molinaro brise le silence sur les abus sexuels dans le théâtre avec son podcast “Derrière le rideau”

Un podcast révélateur confrontant les tabous du spectacle

Comédienne, autrice et chanteuse, Mélodie Molinaro crée en 2021 le podcast “Derrière le rideau”. Son podcast offre une tribune unique, une voix libre et anonyme pour ceux qui ont été témoins ou victimes d'abus dans le monde du spectacle. L'objectif est clair : libérer la parole et briser les tabous. Mais ce n'est pas tout, pour ceux qui préfèrent rester dans l'ombre, un groupe de parole encadré par une psychologue et une avocate en droit pénal a été créé. Celui-ci offre un espace sécurisé qui permet aux victimes de partager leurs histoires, leurs douleurs, leurs espoirs. 
Pour sensibiliser davantage, un compte Instagram dédié : “Derrièrelerideau” diffuse des bandes dessinées illustrant les situations de violences banalisées, des messages de prévention, des numéros à contacter pour reçevoir de l’aide et plus encore.


De plus, des actions de sensibilisation sont menées dans les écoles de théâtre, là où tout commence, là où l'importance de l'éthique et du respect doit être enseignée dès le départ.

Mélodie Molinaro, pionnière dans cette lutte contre les VSS au théâtre

Mélodie Molinaro a été une des premières à oser dénoncer les coulisses de ce monde qui jusque-là était mis hors de cause. Le hashtag #metoothéâtre n’existait même pas encore lorsqu’elle a créé son podcast.
Lors d’une interview, Mélodie affirme que, pour elle, le déclencheur a été sa propre expérience en tant que comédienne. L'affaire Stéphane Métro, révélée en 2020 a elle aussi joué un rôle dans sa prise de conscience de l’importance d’ouvrir la parole.

Cette affaire de pédophilie datant de 2005 l’avait profondément choqué, surtout en réalisant que tout le monde semblait au courant et que l'homme a continué à travailler pendant quinze ans, même en tant que coach pour The Voice Kids. Pour elle, cela a mis en lumière l'omerta qui règne dans l'industrie du théâtre, où la parole des victimes est souvent étouffée par la peur et le fatalisme. 


Elle s'est alors sentie appelée à agir, à donner une voix à ceux qui n'osaient pas parler, en permettant aux victimes de témoigner anonymement sur son podcast. Elle a pris le parti des victimes, s'engageant à les soutenir quelles que soient les circonstances, dans l'espoir de changer un système dysfonctionnel que la société a trop longtemps toléré.


"Un espace de confiance où les victimes peuvent s’exprimer sans risque”

Mélodie Molinaro a fait le choix d'une double anonymat pour protéger les victimes et instaurer un environnement sûr pour la libération de la parole. Son objectif est de mettre en lumière les normes qui permettent la perpétuation des violences dans le monde du théâtre, en dénonçant le système dans son ensemble plutôt que de se focaliser uniquement sur les agresseurs. 

Elle insiste sur le fait qu'elle ne cherche pas à remplacer le travail de la justice, mais à dénoncer le système dans son ensemble. Mélodie souligne que les viols, harcèlements, agressions et abus sont souvent minimisés dans l'industrie du théâtre et suivent un schéma récurrent. Les témoignages partagés dans son podcast, bien que souvent sensibles et intimes, demeurent anonymes, rappelant ainsi à chacun le droit fondamental de se sentir en sécurité au travail, une obligation légale que les employeurs doivent respecter.

La sensibilisation précoce, la clé contre les violences dans le théâtre ?

Le milieu du spectacle présente des particularités qui amplifient les problèmes de violences sexistes et sexuelles (VSS). Ce secteur est marqué par des codes où les abus de pouvoir et les rapports de séduction sont fréquents. De plus, les métiers passionnels rendent floue la frontière entre vie personnelle et professionnelle.
Une des spécificités de ce milieu est l’absence de ressources humaines et de formations spécifiques sur les VSS. Bien que des référents commencent à être mis en place, ils ne sont pas obligatoires au sein des compagnies.
C'est pourquoi l'intervention précoce dans les écoles auprès des futurs artistes professionnels est essentielle. Il est primordial d'apprendre à dire stop, de ne pas se mettre en danger pour se faire une place, surtout dans un milieu majoritairement dirigé par des hommes. 

Il est essentiel de sensibiliser les étudiants à ne pas dire oui à tout, sous prétexte de se mettre à la disposition de l'œuvre, du metteur en scène ou du public. De même, il est important de les encourager à ne pas se mettre en danger pour se faire une place à tout prix. 

Quand l'art devient une excuse pour tout accepter

L'école est souvent le foyer initial des violences, surtout dans le milieu artistique. Les professeurs d'art, souvent sans formation pédagogique, transmettent parfois des comportements nocifs basés sur leur propre expérience, perçue comme une vérité absolue.


Dans le monde de la comédie, les élèves sont souvent encouragés à ignorer leurs limites physiques mais surtout leur pudeur. Il faut se soumettre, se “mettre au service de l’art” sous peine d’être exclu par le reste du groupe si l’on refuse d’aller trop loin. 


Se crée alors une compétition : Qui osera aller le plus loin ? Ce système effaçant toute limite peut mener à des situations extrêmes et néfastes pour le bien-être des artistes.


Il est essentiel de reconnaître que l'art ne nécessite pas de violence pour s'exprimer. Rompre avec le mythe de l'artiste torturé est crucial pour créer un milieu artistique plus sain et respectueux.


La solution serait alors de repenser l'éducation artistique en mettant l'accent sur le respect des limites et le bien-être général. Le but étant la création d'un environnement plus inclusif et épanouissant pour les artistes en herbe.

En quête de justice : Les défis du témoignage dans le monde artistique

Les freins pour témoigner sont nombreux et souvent liés à la peur. La peur de revivre une histoire traumatisante, celle d'être reconnu malgré l'anonymat, celle d'être blacklisté ou encore la crainte que la parole soit déformée. 

Témoigner est un premier pas vers la reconstruction. C'est un immense soulagement pour les victimes de voir leur parole crue dès le départ, loin de toute remise en question. Déposer cette parole leur permet ensuite de passer à l'étape suivante, que ce soit judiciaire, psychologique ou simplement tourner la page en sachant qu'elles ont contribué à aider d'autres.

Lorsque la justice tarde à réagir, il est important de ne pas seulement compter sur elle pour instaurer le changement. Des actions peuvent être entreprises en attendant. Les structures peuvent décider de déprogrammer un artiste accusé de VSS, les artistes peuvent refuser de partager le plateau avec eux, et les spectateurs peuvent choisir de boycotter les spectacles impliquant de tels individus.

Les témoins de VSS peuvent se positionner et dénoncer les agissements. Il est également crucial que ceux qui s'intéressent à la question participent activement en partageant les actions des associations sur les réseaux sociaux, plutôt que de simplement liker. Ces gestes simples peuvent initier un mouvement et offrir une chance à ceux qui en ont besoin de trouver du soutien.

L’actrice, lors de son interview, a notamment félicité la prise de parole de Florence Mendez, qui a dénoncé Seb Mellia. Selon elle, cette dénonciation montre une réelle évolution, prouvant que la parole des victimes prend de l'importance.

“Si tout le monde était solidaire, la justice serait peut-être amenée à réagir plus rapidement et sérieusement face à ces affaires. La vague est là, il est temps de la saisir.” - Mélodie Molinaro.

Source : 

L'équipe | My Site (derrierelerideau.org)
Magazine "Le Brigadier" - Les arts de la scène passe en revue - Toulouse - Occitanie, numéro 59