Séverine Chereau
Son site www.yogaetreconnexion.com
Présentation de l'ouvrage : Inceste du chaos intérieur vers la renaissance
De ce sujet encore très tabou dans notre société, j’ai senti le besoin d’en parler ouvertement, par écrit, dans un livre, de mettre mon grain de sel dans les rouages afin de poser ma petite pierre à l’édifice « Espoir ». Après deux années de « gestation », un livre est née, un livre révélant non seulement mon vécu mais ma reconstruction, retraçant toutes les actions menées, les thérapies, les rencontres qui m’ont transporté vers le mieux être, vers ma propre vie.
Pour résumer mon histoire
J’ai vécu une enfance dans une famille aimante, bienveillante, et pourtant… Pourtant cet oncle, ce parrain qui m’attirait par sa bonne humeur, ses comportements de « rigolos de la famille », a miné et enterré ma vie d’enfance et d’insouciance de longues années durant. Cet oncle qui n’avait jamais eu de femmes à ses côtés et qui m’entraînait dans ses déviances sexuelles. Dès la « première fois », il m’a bien fait comprendre de n’en parler à personne. Et j’ai mis de côté tout ce qu’il me faisait subir, je l’ai annihilé de ma personne, de mon esprit, de mon être tout entier, tout et même les « jeux sexuels » dans lesquels il m’emportait, en me « proposant » à de jeunes adolescents.
J’ai tout oublié, je me suis dissociée de tout mon vécu incestueux pendant des années. Je vivais à moitié présente à moi-même, complètement à côté de mon existence, mais sans jamais me poser la question d’où venait ce mal être profond. L’année de mes 28 ans a été révélatrice : je me suis réveillée à moi-même, réveillée aux viols vécus, réveillée dans le chaos.
Trouble psychique, prise d’alcool, comportement désinvolte avec les hommes, perte de moi-même dans un fracas assourdissant de silence. Je m’engage alors dans un rude combat des années durant à essayer de survivre à ce cataclysme, à ces remémorations douloureuses, des années à frapper à différentes portes, thérapies, association, instances judiciaires. Mais j’ai découvert en cette période là ce que voulait dire « prescription » : je venais de passer mes 28 ans de quelques jours seulement lorsque je suis allée tant bien que mal déposer devant les autorités. Trop tard... Ma vie a continué alors dans le désordre, dans les ténèbres, jusqu’à toucher le fond…
Après maintes démarches, je suis tout de même autorisée à témoigner devant mon oncle, devant la sphère judiciaire, lors de son procès qui n’est pas le mien mais celui d’autres victimes puisqu’il y avait prescription pour moi. Et… mon oncle se suicide dans sa cellule de prison, quelques heures seulement avant mon témoignage devant lui… De nouveau l’hécatombe pour moi et s’en suivent encore de nouveaux dérapages de vie.
La vie a continué à m’amener vers l’obscurité et le sombre, mais aussi vers la lumière. Obscurité car je perds mon père, anéanti par la maladie peu après l’annonce des actes commis par son propre frère sur des enfants inconnus, mais aussi sur ses propres enfants, mon frère et moi-même. Je perds mon père dans une profonde douleur. Et je rencontre quasiment en même temps l’amour, mon mari. Je flotte entre la douleur et le bonheur, et je réfute désormais mon histoire passée, je la mets de nouveau de côté pour ne plus la subir. Je veux vivre ma vie de femme et plus tard de maman, sans être salie par mon histoire. Mais je connais de nombreux troubles physiques, psychologiques, j’encaisse de nombreux déboires dont un de taille, je perd un bébé à la naissance, notre deuxième enfant. J’endure encore la vie et celle-ci m’emmène sur un nouveau chemin : le décès de notre bébé nous entraîne dans un voyage, à vélo en famille en Asie, basculant notre vie d’avant vers une nouvelle vie qui s’ouvre. Après 8 mois de voyage nous rentrons complètement changé et une nouvelle vie se présente à nous. Les années passent à vivre « autrement » en collectivité, dans un nouveau fonctionnement de vie, modeste et proche de la nature. Jusqu’à ce que de nouveau, mon passé incestueux refasse surface suite à des périodes noires où je vis la manipulation de la part de personnes mal intentionnées. Il me faut de nouveau travailler sur moi-même pour surmonter ces nouveaux déboires et revivre à nouveau. J’entame alors de nouvelles actions thérapeutiques et je me relève de nouveau, grandie, avec de nouvelles perceptions de ma personnalité, avec de nouvelles ressources, une nouvelle énergie et une vision de ce que je peux apporter de ma personne et de mon vécu, à des personnes en souffrance.
La reconstruction
« Tu n’es pas défini par ce qui t’es arrivé, tu es défini par la personne que tu décides être. »
Aujourd’hui je sais que l’important a été de reprendre force dans mon être tout entier et dans ma conscience, et ce, que ce soit grâce aux thérapies, aux soins, au yoga ou tout autre discipline... l’important a été de réaliser qui j’étais et vers où je souhaitais aller.
Surligné, paragraphe en retrait
p. 155
« Je suis revenue sur mes blessures du passé pour pouvoir les résoudre et m’apporter la paix, j’ai appris à vivre avec les souvenirs du passé sans me faire déborder par eux, à les transformer, à reprendre possession de ma vie et reprendre confiance en moi, à me réapproprier mon corps et à le ressentir dans le moment présent. Plusieurs thérapies m’ont aidée et fait avancer petit à petit, de petites victoires en petites victoires. Il me semble important de tester, d’orienter et d’adopter nos propres cheminements vers une diversité de thérapies, de soins, de pratiques. »
p. 141
Qui souhaitais-je devenir ? Une personne vivante, une survivante, ou une personne morte parce que morte à l’intérieur depuis longtemps… ? Tout était là. Mon envie et ma détermination m’ont alors poussée à dépasser, outrepasser toutes les tornades et déchaînements cataclysmiques, puis les tempêtes et vents violents, puis les vagues et les vaguelettes. Je les ai vécus un à un, de tout mon être, de tout mon corps, et je me sentais gagner une partie, puis une autre, puis une autre… Pour arriver enfin à vivre un meilleur, pour me rendre compte qu’il était possible de vivre un meilleur… Puis une autre partie m’attendait, puis une autre, de match en match… Jusqu’où allais-je ainsi ? Jusqu’au « Game over » ? Ce n’était pas pour maintenant, les manches n’en finissaient pas, il y en avait toujours de nouvelles, la partie n’était jamais finie. Mais j’ai vécu pleinement ce parcours du combattant, même lorsque j’avais mal, je ressentais ce besoin d’aller jusqu’au fond et encore plus loin... Dans ces moments-là, même si je ne les détectais plus, mes moyens de défense et de survie étaient bien là, ils se cachaient, ils m’attendaient, et alors j’ai remonté la pente, doucement mais sûrement. Je suis allée puiser la vérité tout au fond, car même si elle ne m’apparaissait pas, elle existait, elle était là, elle patientait depuis toujours pour remonter la pente avec moi, me transformer et me permettre de ressortir de mon combat encore plus forte, plus armée, plus détachée, plus libérée. Il a fallu du temps. Le temps est mon allié. Le tunnel est le présent. Je l’ai accepté, je l’ai respiré et j’ai respiré le bonheur qui m’attendait à la sortie, il était divin.
YOGA La découverte
Tout au long de mon évolution, j’ai expérimenté le yoga. Timidement au début, je me suis laissée porté par cette discipline sans trop savoir où elle me menait. Au fur et à mesure des années, elle est devenue une partie intégrante de ma vie et c’est bien des années plus tard que j’ai compris son processus, comment le yoga m’avait aidé à me retrouver dans mon corps et dans mon entièreté.
p. 176
J’étais une personne qui souffrait certes mais qui arrivait lors des premières séances, à vivre un mieux-être sur dix, vingt minutes dans le meilleur des cas, puis trente minutes peut-être... J’avoue que le désordre était tellement fort en moi en cette période, qu’il revenait en force peu de temps après. Puis de trente minutes, le yoga m’apaisait pendant une heure, puis continuait de me faire du bien, bien après la séance. Certes les bénéfices n’étaient pas systématiques, révélateurs et probants à chaque moment yoga, il y a eu des hauts et des bas : un jour, lors d’une séance, « C’est trop bien ! », je me sens revivre et lors d’une autre séance je craque, les pensées, les douleurs, le mal être sont plus fort. C’était ma réalité, mais j’ai misé sur les moments où j’arrivais à me sortir de ce mal de vivre et j’ai entrevu les possibles alors j’ai continué, malgré les béquilles et les obstacles, j’ai su que je pouvais vivre mieux un instant, même un court instant. Grâce à ces moments, j’arrivais à gagner quelques heures de bien-être, tout en étant dans l’ignorance de ce que je vivais réellement intérieurement : pourquoi, que se passait-il, se créait en moi ? Peu m’importait, je prenais, voilà tout ! J’ai continué, j’ai arrêté, j’ai été retentée, j’ai repris, arrêté… J’ai persévéré, à certains moments je ne voulais plus, et puis le yoga est revenu comme il était parti. Ayant beaucoup bougé dans ma vie, beaucoup déménagé, à chaque nouvelle situation, où que j’aille, je recherchais ce moment yoga, cette détente du corps, ce calme, ces moments d’intégration où mon corps décantait petit à petit des parties déstabilisées de moi-même. Où que j’aille, je cherchais une séance yoga, un professeur de yoga qui me convenait. Et j’en ai trouvé, j’ai testé plusieurs formes de yoga.
p. 178
Le yoga permet aux victimes de trouver du soulagement dans leur être physique, énergétique, mental, émotionnel et spirituel. Selon Bessel van der Kolk, psychiatre, spécialiste des traumatismes, et professeur à l’Université de Boston : « Le yoga est une pratique introspective et unifiante. Ainsi, lorsque l’esprit, par le choc, se fragmente et se disperse dans toutes les directions, tentant d’expliquer tant bien que mal ce qu’il s’est passé, glanant ici et là des semblants de justification de la souffrance vécue, la pratique yogique nous permet de nous recentrer sur le corps, de revenir à l’instant présent. »
YOGA l’enseignement
Je me suis orientée vers une nouvelle voie, l’enseignement du yoga et je me suis aperçue que cette discipline qui m’avait accompagnée depuis une vingtaine d’années, m’avait énormément guidé vers ma reconnexion à moi-même, vers ma renaissance.
p. 175
J’ai vécu pendant de longues années, toute une épopée, toute une accumulation de soins, d’actions qui m’ont été nécessaires. Poursuivre mon cheminement et croire en moi pour m’aimer étaient devenu primordial. Je me suis ouverte depuis à ma propre voie et les difficultés n’ont plus le même impact douloureux sur moi. Car j’ai compris là encore, que l’ombre m’entraîne vers la lumière. L’ombre de l’inceste m’entraîne vers les éclairements de la vie, et entre autres vers les rayonnements du yoga. Un trésor m’a été dévoilé, j’en garde la forte et douce imprégnation en moi. Je sors alors de mon cocon protecteur, je me présente à la vie, remplie d’authenticité et de désir de vivre pleinement, telle une renaissance à moi-même.
Aujourd’hui le yoga me guide vers d’autres victimes, j’ai la foie d’apporter ce que j’ai pu expérimenter par le yoga, ce qu’il m’a apporté dans mon évolution personnelle. Je souhaite semer des graines d’espoir, de reconnexion, de conscience et confiance en soi.
p. 185
Je me suis acceptée telle que j’étais et je me suis ouverte à la vie. Libérée de la souffrance, solidifiée et dynamisée par l’amour de mon entourage, je souhaite désormais accompagner les autres après m’être moi-même accompagnée. Telle une mission de vie qui m’apparaît : mon expérience concrète me pousse, m’invite à venir intercepter d’autres victimes, et à leur parler, instinctivement, par le yoga, leur transmettre d’âme à âme, de cœur à cœur et de corps à corps. Avec authenticité et grâce à la connaissance que j’ai engrangée de mon vécu, je me sens à ma place, guidée clairement de tout mon être dans ma réalisation, vers le yoga et vers d’autres victimes.
Nous sommes des millions à avoir vécu ce fléau, les histoires affluent, se croisent, s’entrechoquent.
C’est par la conscience collective que nous pourrons tous avancer et enrayer ce tabou.
p. 172-173
J’ai subi et j’ai reproduit ensuite une attitude dégradante mais ce n’était pas moi, ce n’était pas ma personnalité profonde. Mon inconscient a appris à vivre et survivre de cette façon, avec ce référentiel, mais ce n’était pas ma route de petite fille, ce n’était pas mon chemin, il a été dévié. Je souhaite montrer aux autres victimes que si leur présent les envahit de démons, qu’elles agissent dans le désordre, la confusion des sens, c’est bel et bien à cause de leur passé. Ne rien s’infliger, ne pas se flageller davantage, mais être indulgent envers soi-même. Permettez-vous la douceur envers vous-même, cocoonez-vous d’amour envers vous-même. Vous seule pouvez vous l’offrir, comme un cadeau de la vie.