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Fonction de la parenté dans la violence faite à l’enfant

créé par La Rédaction du site - Dernière modification le 02/08/2023


Parallèlement à l’image de la Nature, la Mère impersonnelle se confond avec celle de l’Inconscient. « Il apparaît, en dernière analyse, que les effets du Complexe Maternel ; si on le dépouille de la diversité des individus, se rapporte à l’inconscient. (13)»

Ce qui constitue un embryon de représentation du monde dans laquelle conscient et inconscient occupent un rôle opposé et complémentaire. Au début de la vie, l’Inconscient contient en germe le Conscient dont le centre deviendra le petit ego — le Moi, dont le rôle sera de se plonger dans le monde avec le maximum de discernement et de forces.

L’état d’inconscience précède et génère l’état de conscience (14). Il découle de cette cosmogonie que l’Inconscient est ressenti comme étant la mère du Moi. Cette Mère universelle constitue le substrat d’origine à partir duquel s’effectue la mise au monde. Cette dernière s’opère de manière favorable et élance l’enfant vers son autonomie et une certaine élévation éthique et spirituelle...

Que cet élan soit coupé et la conscience ne peut naître vraiment, l’individu reste confiné dans des comportements mimétiques qui s’organisent en dehors de son instinctivité. Le conscient demeure sous l’océan de l’Inconscient. C’est d’ailleurs le thème de nombreux thèmes dont le sens tourne autour de cette question d’une « renaissance ». Nous avons en effet deux mères et il nous est « imposé de naître » deux fois !

Tout individu demeure donc écartelé entre deux tendances (15) opposées en finalité.

D’une part nous aimerions demeurer dans la paradisiaque inconscience de « petit enfant qui n’a pas encore ri », c’est-à-dire qui n’est pas encore déchiré par l’antagonisme Conscient/Inconscient et non soumis aux obligations et responsabilités de l’existence.

D’autre part, la tendance voulue par notre propre nature de réaliser sur le fil du rasoir nos propres forces potentielles en leur donnant le maximum de possibilités d’épanouissement. Cette pulsion instinctive d’élan vers le monde et la vie, c’est la « fonction transcendante » (16). Cette fonction, telle un pont surmonte le ravin béant, la discontinuité séparant le Conscient de l’Inconscient. C’est un processus naturel et un de ses symboles est le caducée.

L’Archétype Maternel peut être aimant ou terrible. Ses représentations vont de la sorcière à la Sophia en passant par de multiples images intermédiaires.

Shri Aurobindo écrit au sujet de la Mère : « La mère divine, ne tolérant pas l’imperfection, traite rudement dans l’homme toute mauvaise volonté et elle est sévère pour qui demeure obstinément aveugle, ignorant et obscur ; son courroux est immédiat contre la traîtrise, le mensonge et la méchanceté ; le mauvais vouloir est à l’instant frappé de son châtiment.(17) »

La conscience doit s’extraire des bras de la Grande Mère, poussée en cela par la Fonction transcendante. L’être humain doit donc vaincre en lui la crainte qu’il a de cet archétype, pour cela il lui faut disposer d’une puissante motivation pour s’extraire de la gangue de l’Inconscient.

Si, par contre, l’Ego ne parvient pas à surmonter son désir de demeurer dans le paradis de l’enfance, il sera anéanti, englouti par les flots de l’Inconscience et il demeurera aveugle tel Œdipe.

Le monde apparaît à l’homme quand il le découvre. Il le découvre quand il consent à sacrifier la « Mère », c’est-à- dire quand il se libère des brouillards de l’Inconscience et qu’il s’extrait de la fusion avec cette « Mère ».

 

Revenant à nos innocentes victimes d’inceste nous comprenons combien, pour elles, la résolution des problèmes ne se confine pas à un accueil chaleureux chez des « parents protecteurs » ni à des approches de surface. Nous devons pourvoir suivre les méandres de la libido tout au long de la vie de ces êtres devenus adultes car les puissances de l’ambiguïté dans laquelle ils se trouvent placés peuvent se révéler au moindre « accident » de parcours, à la faveur de la moindre déstabilisation.

 

Illel Kieser El Baz,

Directeur du Cavacs-France, Diplômé de l’Institut de Formation des Psychologues cliniciens, Paris VII

Toulouse, France

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Notes:

1 — Problème de l’âme moderne, traduction Roland Cahen, Buchet Chastel, 1960, p. 303.

2 — Psychologie et éducation, Traduction Roland Cahen, Buchet Chastel, 1963, p. 214.

3 — Marie Louise Von Franz a beaucoup insisté sur les relations du conscient avec son double opposé dans ses ouvrages. Lire notamment La femme dans les contes de fées, op. ci.

4 — Métamorphose de l’âme et ses symboles, Traduction Yves Le Lay, Georg, 1958, p. 317.

5 — L’âme et la vie, Trad. R. Cahen, Éd. Buchet-Chastel 1963, p. 400.

6 — Psychologie de l’Inconscient, Trad. R. Cahen, Éd. Georg 1952, p. 120.

7 — Psychologie et éducation, op. cit., p. 230.

8 — Psychologie et éducation, op. cit. p. 237.

9 — Ibid. p. 240.

10 — Études de psychologie jungienne, Gh. Adler, Trad. Fearn et Leclercq, Éd. Georg 1957, p. 33.

11 — La guérison psychologique, Trad. R. Cahen, Éd. Georg 1953, p. 167.

12 — Les racines de la conscience, Trad. R. Cahen, Buchet-Chastel 1971, p. 98.

13 — Les racines de la conscience, op. cit. , p. 120.

14 — Voir plus haut la déclinaison que je fais de cet aspect, à partir d’une figure commune de la Grand-mère, le Loup, que nos sociétés technologiques ont transformé en robot, glacial et impersonnel.

15 — À rapprocher du concept d’ambitendance psychiatrique de Bleuler, (1904).

16 — Voir au chapitre suivant.

17 — La mère, Éd. Adyar 1950, p. 40....