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L'Omerta dans les couloirs académiques : Abus de pouvoir et violences sexuelles dans le Monde de la littérature

créé par Marion Soulet - Dernière modification le 25/03/2024


 

Résumé :

Un collectif de plus de 400 écrivaines, éditrices, chercheuses et enseignantes dénonce les violences sexuelles omniprésentes dans le monde de la littérature, de l'art ou de l'éducation, commises par des hommes insoupçonnés, des intellectuels.

Deux mondes différents mais des violences communes

Récemment dévoilées au grand jour, les violences sexuelles dans le monde du cinéma ont fait l’objet de nombreuses polémiques, de débats et de prises de positions de la part des personnalités publiques. Ces révélations ont cependant enfin permis de briser le silence, du moins une partie, silence régnant dans les coulisses de ce milieu en vogue, le cinéma.   

Néanmoins, les violences sexuelles existent dans tous les secteurs, peu importe l’âge, la carrière ou encore le diplôme. En effet, bien que méconnues, les violences sexuelles n'épargnent pas non plus les lieux de savoir. Les universités, laboratoires, maisons d’édition, départements de littérature ou unités de recherche font eux aussi l’objet d’agressions. Il existe cette idée générale que les agresseurs, les violeurs, sont des hommes ouvertement violents, sans situation ou peu éduqués, pourtant, les hommes de lettres, les “savants” sont eux aussi coupables. 

 

Une position de pouvoir 

 

Qu’ils soient professeurs, chercheurs, philosophes ou encore poètes, il existe de nombreux cas illustrant les portraits sombres de ces figures du savoir.  Diplômés, respectés et avec un haut statut, c’est cette position de pouvoir qui les fait se sentir comme des “êtres supérieurs”, intouchables, qu’on ne peut corriger ou blâmer.

Les agresseurs, usant de leur position comme moyen pervers de pression sur des étudiantes, des éditrices ou artistes qui, par crainte, préfèrent se taire plutôt que subir les répercussions de leur dénonciation, ils se permettent alors de leur infliger ce que bon leur semble, aussi sadique soit-il.

Parmi eux, Gabriel Matzneff, écrivain Français accusé de multiples agressions sexuelles sur mineures dont Vanessa Springora (signataire du collectif) avec qui il utilisait sa réputation d’auteur reconnu pour abuser de la petite fille passionnée de littérature qu’elle était.

Dans ces lieux, tout le monde connaît ces histoires, on sait qui sont les agresseurs et qui sont leurs victimes pourtant les langues restent liées. Mais alors pourquoi ? Pourquoi ne pas tout simplement dénoncer les présumés agresseurs ? Pourquoi cacher cette vérité et laisser ces hommes pervers continuer impunément ? Malheureusement, la situation est loin d’être aussi simple. 



Les conséquences de la parole

 

Le monde de la littérature est ferme sur ce point, si tu parles, tu es morte. Tu peux dire au revoir à ta carrière, à tes rêves, à tes projets. Qui oserait condamner un philosophe reconnu et croire une “simple” étudiante qui se dit victime de celui-ci. Pourtant, parmi les philosophes, se cachent aussi des criminels, on pense notamment au cas d’Hélène Rythmann, assassinée en 1980 par son mari : Louis Althusser, philosophe. 

Ce pouvoir d’un professeur sur une élève, d’un patron sur une employée ou encore d’un directeur d’une maison d’édition sur une écrivaine en devenir est fort, si fort qu’il conduit au silence, à la soumission de toutes ces femmes qui n’osent pas parler par peur d’une réputation gâchée. 

Qu’il s’agisse de chantage pour un contrat, pour un poste, pour des notes ou de menaces de ralentissement d’une carrière, ces actes sont connus de tous et pourtant rien ne change. L’impunité, l’injustice, continuent de régner dans ce pays où même le président ose soutenir publiquement un acteur, présumé innocent, violeur et agresseur sexuel, dans l’émission “C à vous” (décembre 2023). 
 

Le collectif

 

Un collectif de plus de 400 écrivaines, éditrices, enseignantes-chercheuses etc.. a été créé pour dénoncer les violences sexuelles récurrentes dans le monde des lettres. Parmi les signataires, on y retrouve  :  Annie Ernaux et Vanessa Springora, auteure du livre autobiographique et adapté au cinéma : “Le consentement”. 

Dans une tribune adressée au “Monde”, le collectif appelle à l'organisation d'Etats généraux pour les femmes. Le collectif a alors créé des hashtags reprenant la forme du célèbre “metoo” mais cette fois dédiés aux victimes ayant subi ces actes dans des lieux d’art, de lettres et d’éducation. Dédiés aux économistes, sociologues, historiennes, poètes, écrivaines, étudiantes, toutes ces voix qui jusqu’à présent restaient muettes peuvent désormais enfin s’exprimer : #metoouniversité, #metoolittérature, #metoophilosophie, #metooarts, #metoosciences. 


 

Cécile Poisson

En ce mois de mars, Cécile Poisson nous te rendons hommage. Tu avais 48 ans, tu étais enseignante chercheuse, ancienne élève de la prestigieuse École normale supérieure (ENS) mais surtout mère de trois enfants. Le 20 mars 2023, tu es retrouvée égorgée dans le hall de ton immeuble par ton ex mari, un homme “cultivé” et “diplômé” avec une grande carrière pourtant celui-ci se révèle être ni plus ni moins qu’un assassin.

Les violences doivent cesser, Cécile, tu aurais dû être toujours parmi nous, en ton nom, il faut agir, parler, dévoiler toutes ces histoires, exposer ces agresseurs qui ne méritent pas d’être cachés pour enfin briser ce rituel du silence et condamner ces actes immoraux. 


 

Premiers signataires : Marie Darrieussecq, romancière ; Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature 2022; Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique, à l'université de Reims ; Camille Kouchner, autrice et maîtresse de conférences à l'université Paris Cité ; Marielle Macé, directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Laure Murat, professeure au département d'études français&s et francophones à l'université de Californie à Los Angeles ; Lydie Salvayre, romancière; Tiphaine Samoyault, directrice d'études à l'EHESS ; Gisèle Sapiro, directrice de recherche à l'EHESS ; Vanessa Springora, autrice et éditrice; Alice Zeniter, romancière.

Lien pour l’ensemble des signataires :  https://docs.google.com/document/d/18dAds8Jzit8sM3ZEZqyiCto826BAhA_j7r4NQrar3R0/edit

 

 

Sources : 

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/07/violences-sexuelles-ce-qui-se-passe-dans-le-milieu-du-cinema-se-passe-aussi-ailleurs-a-l-universite-dans-les-ecoles-dans-l-edition_6220661_3232.html

https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/sa-mort-nous-regarde-un-an-apres-le-feminicide-de-luniversitaire-cecile-poisson-un-emouvant-hommage-lui-est-rendu-a-lens-20240320_2ZK5Y32X7FFWNJFOS6VCMSRGTM/