Les violences sexuelles engendrent des réponses diverses et complexes chez les rescapé.es, incluant des comportements souvent mal compris, comme l'hypersexualisation. Pour certaines personnes, l'augmentation de l'activité sexuelle post-traumatique est une manière de faire face au traumatisme, de regagner un sentiment de contrôle, ou de soulager des douleurs émotionnelles. Pour Anna, comme pour de nombreux autres survivant.es, cette hypersexualisation est une manière de reprendre le pouvoir sur son corps tout en apaisant la souffrance causée par l’agression.
Qu’est-ce que l’hypersexualisation ?
L'hypersexualisation désigne une augmentation significative de l'activité sexuelle suite à un traumatisme sexuel. Ce comportement peut être un moyen pour la victime de se réapproprier son corps et de réaffirmer son autonomie, ou de trouver un réconfort temporaire dans l'acte physique. Stockman et al. (2024) expliquent que certaines victimes recourent à l'hypersexualisation pour regagner un sentiment de contrôle. Cette stratégie peut ainsi apparaître comme un acte d'affirmation personnelle. Anna, par exemple, rapporte qu'elle avait l'impression de "redevenir la maîtresse de son propre corps" en engageant des relations sexuelles choisies par elle.
Cependant, ce comportement peut aussi être ambigu et porteur de douleurs. Si, pour certaines personnes, il permet de retrouver un sentiment de maîtrise, il peut, pour d'autres, amplifier les sentiments de honte et de stigmatisation, rendant encore plus difficile d’avancer.
Pourquoi l'hypersexualisation survient-elle ?
Ce phénomène survient souvent à la suite d'une agression sexuelle, lorsque la.e rescapé.e cherche un moyen de compenser la perte de contrôle vécue durant le traumatisme. La recherche de validation sociale est un autre moteur de ce comportement. Deliramich et Gray (2008) notent que pour certaines victimes, cette activité accrue répond à un besoin de se sentir valorisée. Pour Anna, par exemple, l'hypersexualisation est devenue une méthode pour "se sentir aimée" et compenser son sentiment de dévalorisation.
En outre, l'hypersexualisation peut également être une forme de dissociation, permettant aux victimes de se détacher temporairement de leurs émotions douloureuses, comme le décrivent Fortier et DiLillo (2009). En utilisant l'acte sexuel comme distraction, les victimes peuvent échapper temporairement au poids de leurs sentiments de douleur et de culpabilité.
Les conséquences à long terme de l’hypersexualisation
Bien que l'hypersexualisation puisse offrir un soulagement immédiat, elle entraîne souvent des effets négatifs à long terme. L’étude de Mahoney et Lynch (2021) montre que si elle peut renforcer temporairement le sentiment de liberté, l'hypersexualisation peut aussi se transformer en comportement compulsif, empêchant d’avancer véritablemen. Anna explique ainsi avoir souvent eu l'impression d'être "piégée dans un cercle de comportements", où chaque tentative d'échapper à sa douleur ne faisait que l'enfermer davantage.
En réponse aux normes culturelles et sociales, certain.es rescapé.es s’engagent dans ces comportements pour éviter le jugement social ou pour répondre aux attentes sociétales. Campbell et Dworkin (2009) rappellent que la pression sociale et les normes culturelles en matière de sexualité influencent aussi ce phénomène, accentuant parfois la honte et la stigmatisation ressenties par les victimes.
Comment Gérer l'Hypersexualisation et ses Conséquences
Comme la dissociation, l’hypersexualisation nécessite un accompagnement thérapeutique spécifique. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et l'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) sont des approches efficaces pour aider les survivants à gérer et comprendre ces comportements. Des techniques de stabilisation émotionnelle, comme les exercices de respiration, le grounding (ancrage), et la pleine conscience, permettent aux victimes de retrouver une connexion plus saine avec leur corps et leurs émotions (van der Kolk, 2014).
Témoignage d'Anna
Anna illustre parfaitement le poids et l'ambiguïté de l'hypersexualisation comme réponse post-traumatique. Elle décrit une période où "les relations multiples étaient une manière de me réapproprier mon corps", mais au fil du temps, elle s'est retrouvée piégée dans ce comportement. C'est seulement à travers un suivi thérapeutique qu'elle a pu redéfinir sa relation avec son corps et sa sexualité, rétablissant ainsi un équilibre émotionnel.
Conclusion
L'hypersexualisation représente un mécanisme d’adaptation complexe. Bien que ce comportement puisse fournir un soulagement temporaire face au traumatisme, il comporte également des risques pour la santé mentale à long terme. En intégrant ces comportements dans des soins thérapeutiques adaptés, il est possible de guider les survivants vers une vie plus saine, en leur permettant de reconstruire leur relation avec leur corps et leur sexualité.
Références
- Campbell, R., & Dworkin, E. R. (2009). An ecological model of the impact of sexual assault on women's mental health. Trauma, Violence, & Abuse, 10(3), 225-246.
- Deliramich, A. N., & Gray, M. J. (2008). Changes in women's sexual behavior following sexual assault. Behavior Modification, 32(5), 611-621.
- Fortier, M. A., & DiLillo, D. (2009). Severity of child sexual abuse and revictimization: The mediating role of coping and trauma symptoms. Journal of Interpersonal Violence, 24(8), 1450-1467.
- Mahoney, A., & Lynch, S. M. (2021). The indirect effect of coping self-efficacy on the relation between sexual violence and PTSD symptoms. Journal of Interpersonal Violence.
- Stockman, J. K., et al. (2024). Coping with sexuality following adult sexual violence. Journal of Trauma and Dissociation.
- van der Kolk, B. A. (2014). The Body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma. Viking.