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La protection des enfants n’attend pas

créé par Celia Barberán - Dernière modification le 16/01/2024


 Visibilité du silence des victimes

La CIIVISE a publié un document qui montre, données à l'appui, qu'il existe un grand nombre d'enfants qui ont subi ou subissent des violences sexuelles, en particulier dans le milieu proche des enfants : leur domicile. La CIIVISE rappelle que le nombre de victimes en France est de 160 000 enfants par an.

Un aspect important du processus de la victime dès le début est le soutien social qu'elle reçoit. La nature du soutien social reçu par la victime est d'une importance vitale pour la suite de sa vie. Ce soutien peut être positif, négatif ou absent.

Un problème transversal est le soutien négatif des proches et des institutions, qui manifestent de l'incrédulité ou de l'incompréhension à l'égard de la victime parce qu'elle ne leur a pas parlé plus tôt. En d'autres termes, la victime, déjà vulnérable en raison de ce qui lui est arrivé, ne se sent pas soutenue par son entourage et se sent jugée lorsqu'elle parle de ce qui lui est arrivé, ce qui conduit à un effondrement psychologique.

« Un enfant qui révèle des violences et qui perçoit dans un mot, un regard ou une attitude qu'il n'est pas cru, court le risque d'une rupture psychologique. S'il n'est pas immédiatement protégé, il perd confiance dans “le monde des adultes”. » (CIIVISE, 2023).

Comme l'indique la CIIVISE, pour les enfants qui ont souffert de la part d'une personne proche, le degré de proximité de cette personne fait qu'il est difficile pour la victime de se sentir en sécurité et de révéler ce qui lui arrive de la part de son agresseur. Selon les données de la CIIVISE, seulement 13% des victimes ont révélé la violence au moment de l'incident et 58,5% l'ont fait plus de 10 ans après.

Des mères qui sont aussi victimes

Les données de la CIIVISE révèlent que dans 66% des cas, le premier confident de la victime est sa mère. Dans le cas de l'inceste, c'est le cas dans 71% des cas. 

On peut donc dire, d'après ces données, que l'instinct de l'enfant le pousse à se tourner vers sa mère pour se protéger.

Mais il arrive souvent que des mères soient jugées et montrées du doigt pour avoir voulu protéger leurs enfants, c'est-à-dire que la mère signale la situation et qu'un juge l’accuse d’aliénation parentale, de sorte que la souffrance de l'enfant est reléguée au second plan et que ses paroles révélatrices sur ce qui s'est passé ne sont pas prises en compte. Par conséquent, en plus de la souffrance de la victime qui a subi des violences sexuelles de la part d'une autre personne, les institutions qui devraient la soutenir pointent du doigt sa mère : sa principale confidente et la personne qui la protège.

Un besoin ignoré : les victimes laissées sans soutien social 

Le soutien social est primordial pour les enfants victimes de violences sexuelles, en particulier le soutien social positif qui équivaut à “je te crois, je te protège”. 

Pour que l’enfant ne bénéficie pas de ce soutien social positif, la stratégie de l’agresseur sera d’imposer le silence à sa victime tout en la gardant sous son emprise. Qui plus est, cette stratégie se renforce lorsque l’agresseur fait partie du groupe social de l’enfant, près d’un cas sur deux les agressions sont produites par un membre de la famille. 

dans le cas où l’enfant ne reçoit pas de soutien social positif, mais négatif, on peut constater que le confident va le faire culpabiliser “je te crois mais tu me mets dans une situation impossible”. L’enfant se retrouve donc dans un conflit de protection, entre révéler les violences pour être protégés ou éviter les conséquences pour ses proches. 

Un autre cas de figure, c’est lorsque l’enfant se confie sur les violences qu’il subit, le choc est trop grand pour le confident, l’incrédulité de l’adulte lui permet de se protéger, de se dire « non c’est faux, ceci n’est pas possible », car l’agresseur est membre de la famille et est une personne aimé du confident. 

« Je suis mère de trois enfants, dont une petite fille qui m’a révélée être incestée par son père. Je ne l’ai pas crue sur le moment car c’était trop violent pour moi ». Mme R.

L’enfant se retrouve face à une injonction paradoxale car pour parler il se risque de n’être pas cru ou encore d’être culpabilisés par les institutions de protection. De même pour les adultes protecteurs, où la plupart du temps ce sont des mères qui sont accusées de manipulation envers leur enfants et les institutions. Pareil pour les professionnels, où ils risquent de recevoir des sanctions disciplinaires après avoir fait un signalement. 

Concernant les mères, elles sont prises dans un piège social :

  •        Ne pas alerter sur les violences que subit son enfant, et être accusées de complicité ou de négligence
  •     Alerter en déposant plainte, saisir le juge aux affaires familiales, écrire aux services sociaux et être accusées de mensonges et de manipulation

Cela est dû au déni des violences sexuelles des enfants. Ce déni n’est pas seulement privé, mais collectif.

Selon la CIIVISE, la révélation des violences sexuelles faites aux enfants relève d’une responsabilité collective et sociale. Elle devrait être assumée principalement par les professionnels intervenant dans le champ de l’enfance. 

Il est essentiel de fournir des outils adaptés aux professionnels pour qu’ils puissent protéger l’enfant correctement. La CIIVISE a donc publié un livret de formation en 2022 « Mélissa et les autres ». Il est de rigueur à l’heure actuelle, de mettre en place une formation interministérielle et interprofessionnel pour soutenir les professionnels dans le repérage des enfants victimes ainsi renforcer leur protection en garantissant une doctrine nationale à ce sujet. 

Une promesse tenue : la CIIVISE, un soutien social inconditionnel 

Après deux ans d’appel à témoignages, la CIIVISE montre l’importance cruciale du soutien social qu’on doit dédier aux victimes de violences sexuelles dès leur enfance. Pour commencer, il faudrait qu’après une révélation il y est une protection sans attendre, une justice qui rend justice et des soins adaptés, tant sur le plan physique que psychologique. Mais surtout accueillir et respecter la légitimité de la parole des enfants et des adultes protecteurs. 

La CIIVISE met l’accent sur l’importance d’une doctrine du soutien social positif. Ce soutien social doit être une politique publique, qui lutte contre le déni de l’inceste en France. Chaque témoignage a pour but de construire une culture de la protection, ce sont des témoignages privés qui deviennent une parole publique. 

Ce qu’il ressort le plus des victimes c’est ce besoin d’être « entendues, écoutées, vues, visibles et crues ». 

La CIIVISE a recueilli 27 000 témoignages. Les violences sexuelles infantiles ne sont pas de l’ordre du privé ou d’expériences malheureuses, mais un problème systémique qui est en réalité un problème collectif, donc politique.

l’histoire de l’inceste et des violences sexuelles est l’histoire d’un déni massif, il doit faire l’objet d’une politique publique et des pratiques professionnelles spécifiques. 

Chiffres clés 

  • 8% des victimes ont reçus un soutien social positif 
  • 45% des victimes n’ont été mis en sécurité ni bénéficier de soins, parmi eux, 70% ont été crus 
  • 3 confident sur 10 ne croient pas l’enfant
  • Dans 50% des cas où le confident ne sécurise pas l’enfant, 27% on lui demande de ne pas en parler, 22% on lui rejette la faute sur lui
  • Dans 43,8% des cas, l’enfant se confie à sa mère et déclare que son agresseur est son père (29,6%), son beau père (14,2%) ou en encore son grand frère (14,4%)
  • Dans 15% des cas, l’enfant se confie à des professionnels, parmi eux, 58% ne sont pas protecteurs. Mais lorsqu'ils le sont, un dépôt de plainte se fait dans 58% des cas, plus que les autres confidents 
  • Le confident met en sécurité l’enfant dans 36% des cas (les mères à 70%, les pères à 27% et les professionnels à 23%)
  • Parmi eux, 62% font cesser les violences mais ne déposent pas plainte et 75% ne permettent pas à l’enfant d’avoir des soins 
  • 13% des victimes ont obtenus une condamnation de leur agresseurs 

Source

2 ans d’appel à témoignages - Le site officiel de la CIIVISE